DSI de Nationwide : Voici comment nous avons centralisé l'informatique

November 21, 2016 · ERIC KNORR / INFOWORLD

Selon la Société de gestion de l'information, un DSI reste en moyenne un peu moins de cinq ans en poste. Mike Keller, DSI de Nationwide, occupe son poste depuis plus de 15 ans.

 

Quel est son secret ? Keller déclare qu'il n'a eu que deux patrons pendant ce temps, notant que les transitions de PDG sont l'un des nombreux facteurs qui peuvent « entraîner une fin de collaboration prématurée ». Mais à l'évidence, il ne serait pas resté aussi longtemps s'il n'avait pas réussi à faire avancer Nationwide.

 

Ce n'est pas une mince affaire dans une entreprise informatique de la taille de Nationwide, qui compte environ 5 000 employés permanents et 3 600 entrepreneurs. Beaucoup de progrès ont été réalisés grâce à l'adoption de processus lean et agiles et de ce que Keller désigne comme une modernisation « pas très sexy » des systèmes existants.

 

Mais Keller s'est également opposé à une tendance généralisée : Au lieu de décentraliser l'informatique et de la laisser se faire absorber par les secteurs d'activité, il en a centralisé nombre de fonctions principales. L'entrevue d'une heure d'InfoWorld avec Keller, éditée du fait de sa longueur et pour plus de clarté, commençait avec cette question.

 

InfoWorld : L'une des tendances que nous avons vues se développer au fil du temps, c'est que l'informatique devient une entité de moins en moins distincte des autres divisions. Est-ce que cela va dans le sens de l'organisation en place chez Nationwide ?

 

Keller : Non. Quand j'ai rejoint la société en 2001, c'était une entreprise informatique décentralisée. L'essentiel de l'informatique était relié à des divisions, même si une partie du personnel de l'entreprise était partagée. Peu de temps après mon arrivée, nous avons créé un modèle fédéré, caractérisé par une gestion matricielle. Nous avons laissé les groupes de développement d'application sous la responsabilité des divisions mais en traçant une forte ligne pointillée revenant vers moi. Et ensuite, nous l'avons reliée à l'infrastructure, l'architecture, la sécurité, ce type de fonctions.

 

En 2008, je crois, nous avons centralisé l'informatique et nous avons opéré une transformation majeure dans la façon dont nous faisons de l'informatique. En 2008, je crois, nous avons centralisé l'informatique et nous avons opéré une transformation majeure dans la façon dont nous faisons de l'informatique.

 

Ce que j'ai vu et connu tant chez Nationwide que dans d'autres endroits où j'ai travaillé, c'est que beaucoup de gens préfèrent avoir un service informatique décentralisé afin qu'il reste au plus près de leurs activités. D'autres organisations centralisent et bénéficient de la normalisation et des économies d'échelle mais elles perdent le contact avec l'entreprise. D'autres organisations centralisent et bénéficient de la normalisation et des économies d'échelle mais elles perdent le contact avec l'entreprise.

 

Nous avons créé une structure que nous appelons notre modèle de référence organisationnelle. En gros, nous essayons de construire le modèle d'organisation permettant que les éléments nécessaires soient très proches des opérations et que les éléments qui pourraient réellement bénéficier de la centralisation soient centralisés.

 

InfoWorld : Expliquez-moi cela. Comment ça marche ?

 

Keller : Nous appelons la composante destinée à l'entreprise de notre modèle d'organisation le « secteur de solution d'entreprise ». Cependant, la responsabilisation de la planification, de la construction et de l'exécution de toutes les applications et des données qui soutiennent les activités est gérée par un groupe informatique extrêmement en phase avec le secteur d'activité.

 

Par exemple, si vous regardez nos déclarations de dommages corporels et matériels, nous avons un secteur de solution d'entreprise : le service déclarations informatiques, composé d'un groupe de personnes qui se consacrent aux déclarations et qui connaissent les processus de gestion des sinistres. Elles gèrent une relation avec ces partenaires et possèdent tous les actifs et tous les projets en lien avec cette partie de l'activité. C'est le groupe qui a maintenu un partenariat commercial et un rapport étroit avec les opérations.

 

Si vous regardez ce qui permet la plus grande économie d'échelle, à savoir l'infrastructure, le développement d'applications, les fonctions de gouvernance et de contrôle telles que la cybersécurité ; ces choses sont centralisées. Nous avons construit un modèle dans lequel nous essayons d'indiquer très clairement quelles sont les responsabilités de chaque unité organisationnelle et comment elles interagissent les unes avec les autres. Nous avons essayé d'optimiser ceci de manière à vous faire bénéficier à la fois de l'efficience et de l'efficacité en tant qu'organisation, mais aussi du contact avec les opérations.

 

Cela n'a pas été facile. Je vais vous dire, lorsque nous avons centralisé une grande partie de notre développement d'applications, nous avons fait de grands progrès et remporté des prix pour notre façon de concevoir, développer, tester et mettre en œuvre. Pourtant quand on regardait le processus de bout en bout, ce n'était pas aussi efficient et efficace qu'il aurait fallu en raison de la procédure de transfert du projet à la construction. En d'autres termes, des choses comme l'acheminement des exigences et le transfert de la construction au fonctionnement. Il y a eu quelques petits problèmes d'orchestration.

 

Nous avons beaucoup travaillé pour obtenir la mise en œuvre de meilleurs processus, comme le processus lean, et nous avons aussi beaucoup misé sur la culture et le travail d'équipe, permettant d'optimiser et de donner l'impression d'une organisation cohérente. Nous avons plus de 20 secteurs de solutions d'entreprise destinés aux entreprises qui connaissent bien le secteur et les activités et qui rationalisent leur façon de travailler avec le groupe de développement d'application centralisé. À l'arrivée, nous gagnons sur les deux tableaux.

 

InfoWorld : Si je veux qu'un projet de développement d'applications soit réalisé, disons une application web ou mobile orientée vers le client, expliquez-moi comment cela fonctionnerait.

 

Keller : Imaginons que notre entreprise d'assurance multirisque directe souhaite une application mobile. L'équipe commerciale en charge du projet disposerait d'une équipe très intégrée et alignée, notre secteur de solutions numériques d'entreprise, et elles travailleraient ensemble sur les exigences à réaliser.

 

Les lignes de développement sont généralement dotées par des personnes venant des deux groupes. Le personnel de ce secteur de solutions d'entreprises, plus au fait des activités, travaille sur la même ligne de développement que les scrum masters, les développeurs et les testeurs qui viennent du centre de services partagés du groupe. Nous pouvons très vite réunir ces lignes, et si la demande disparaît et que le projet prend fin, nous pouvons renvoyer chacun chez soi, dans un modèle à capacité variable. C'est très efficace et cela permet de réunir les compétences ad hoc issues de l'ensemble de l'organisation.

 

InfoWorld : Considérez-vous l'informatique comme une organisation de services internes pour le reste de l'entreprise ? Est-ce ainsi que vous voyez les choses ?

 

Keller : Je dirais que c'est exact. J'ai voulu que ce fournisseur de service interne puisse proposer des avis et des conseils, et pas seulement des services de développement ou de fonctionnement.

 

InfoWorld : Je suis intéressé par votre mise en œuvre de processus lean et agiles. J'aimerais savoir comment vous avez su que c'était la marche à suivre. Comme vous le savez, de nombreuses organisations tiennent ce discours, mais elles n'ont fait que figer cette méthodologie. Le résultat ressemble plus à une cascade qu'à quelque chose d'agile.

 

Keller : Il n'y a pas eu un point précis où l'on s'est dit qu'on allait devenir agile ou lean. Cela s'est fait plus progressivement. Lorsque nous avions encore un service informatique décentralisé, nous avons constaté que la plupart des grandes équipes avaient commencé à se convertir à l'agilité. Mais en regroupant tous ces praticiens, nous avons découvert qu'il existait différentes interprétations du mot.

 

Certaines fonctionnaient mieux que d'autres. Lorsque nous avons commencé à expérimenter la centralisation informatique, nous ne l'avons pas fait en une seule étape. Nous avons réuni les meilleurs visionnaires et leur avons dit qu'ils devaient trouver une méthodologie agile pour l'entreprise. Des gens vraiment intelligents et capables se sont attelés à la tâche, essayant de trier les meilleures pratiques en interne et comparant leurs notes avec des consultants et partenaires externes afin d'apprendre d'eux.

 

Nous avons également décidé de passer par une évaluation externe des processus et nous sommes passés assez rapidement au niveau trois du CMMI, ce qui n'est généralement pas fait dans un environnement agile. Nous avons été en fait l'un des premiers groupes lean et agiles certifiés CMM. Nous avons découvert qu'il était possible de créer rapidement des logiciels qui fonctionnent correctement, des logiciels qui répondent aux exigences de l'utilisateur, avec la possibilité d'avoir un faible taux de défauts (ou même dans beaucoup de cas, de sortir des versions sans défaut). Et cela produisait de bien meilleurs résultats que la cascade et qu'un grand nombre de pratiques agiles moins matures que nous avions appliquées au début.

 

Nous avons commencé par regrouper nos pratiques, en essayant de les affiner, et comme nous avons aimé les résultats, nous les avons de plus en plus étendues jusqu'à aujourd'hui. Maintenant, nous entrons dans un modèle qui servira de base à l'ensemble de notre développement d'applications. L'un des principes fondamentaux du lean, comme vous le savez sans doute, est la création d'un moteur d'amélioration continue.

 

InfoWorld : Il s'agit bien de cela.

 

Keller : Exactement.

 

InfoWorld : Pour ce faire, vous devez évaluer le fonctionnement de votre application. Comment mesurer l'efficacité, puis la transformer afin de l'améliorer ?

 

Keller : Une grande partie de ce que nous faisons avec le lean consiste à décider ce que nous voulons mesurer : mesurer la vitesse du point de narration, les défauts, et utiliser les systèmes locaux de gestion visuelle. Mais ensuite nous agrégeons les données. Nous les regroupons, les mesurons et nous les comparons également pour savoir où situer notre productivité, notre niveau de qualité et notre vitesse par rapport à des repères. Tout comme nous essayons d'améliorer continuellement les pratiques, nous devons aussi essayer d'améliorer continuellement les indicateurs.

 

Nous avons mesuré des choses telles que la productivité et la vitesse de développement, mais nous n'avions pas de vision globale. Lorsque nous avons commencé à examiner les concepts DevOps, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait vraiment les mesurer tout du long, jusqu'à la production. Nous continuons à affiner nos concepts et à nous doter d'exigences de bout en bout, qui vont jusqu'à la production.

 

InfoWorld : L'une des perspectives que j'ai entendues dans plusieurs organisations, c'est qu'une des transformations de l'informatique, que vous l'appeliez « transformation numérique » ou non, revient à transformer l'informatique afin qu'elle ne soit plus centre de coûts mais un générateur de revenu. Puisque vous êtes à ce poste depuis 15 ans, avez-vous observé ce genre de changement d'attitude ?

 

Keller : Oui. Mon opinion, c'est que nous créons et exécutons différents types de systèmes. Vous pouvez choisir votre terminologie, mais historiquement l'informatique était une automatisation des services administratifs, des opérations dans ce que la plupart des utilisateurs appellent aujourd'hui des systèmes d'enregistrement. La plupart de ces systèmes d'enregistrement étaient vraiment axés sur l'automatisation des tâches pour être plus efficaces. C'est toujours une part importante de notre portefeuille.

 

InfoWorld : Quelle proportion environ de votre portefeuille porte sur les systèmes d'enregistrement, en comparaison avec les systèmes d'engagement ?

 

Keller : Je ne l'ai pas mesuré de cette façon, mais nous commençons également à examiner une troisième catégorie : les systèmes d'insight. Parfois, cela devient assez flou. Par exemple, nous avons investi massivement dans la gestion des informations des clients. Cela comprend un fichier d'informations client opérationnel nous permettant de connaître tous nos clients. Nous avons leur adresse exacte, savons quelles sont leurs préférences, connaissons tous leurs produits développés avec nous, et capturons toutes les interactions dans un historique.

 

Cela a représenté un travail titanesque. Notre système d'enregistrement client était auparavant le système de produit individuel ou de politique. Nous avons changé cela dans la plupart des cas, de sorte que le fichier client de l'entreprise est devenu le système d'enregistrement et nous avons dû créer des interfaces bidirectionnelles très pointues entre ce nouvel ensemble et tous les systèmes existants qui n'ont pas été conçus pour offrir un formatage client commun ni pour être contrôlés par quelqu'un d'autre.

 

Il y avait un gros système traditionnel d'enregistrement, mais, comme je l'ai dit, lorsque nous avons construit ce système, nous avons également commencé à conserver tout l'historique des interactions, à prendre ces magasins de données opérationnelles pour alimenter les centres de données et réaliser des analyses prédictives dessus. Nous avons dépensé plus de 100 millions de dollars pour la gestion des informations client, mais j'aurais du mal à dire dans quelle proportion cela constituait un système d'enregistrement et dans quelle proportion un système d'insight. C'était les deux à la fois.

 

Je peux vous dire que dans notre portefeuille de projets, nous avons plus de remplacements de systèmes d'enregistrement de base que de remplacements de systèmes d'insight ou de systèmes d'engagement, mais nous investissons assez fortement dans les trois. Ce que nous constatons, c'est qu'il est difficile de bien réaliser des systèmes d'insight ou d'engagement si vous avez des systèmes de base endommagés, un système d'enregistrement endommagé, que vous ne pouvez pas alimenter en temps réel ou qui ne vous donnent pas la qualité dont vous avez besoin pour vos données.

 

InfoWorld : Diriez-vous que ce que vous venez de décrire représente l'une des principales initiatives dont vous êtes en charge ?

 

Keller : Oui. À votre question précédente de savoir si l'information doit économiser de l'argent ou être plus mise en avant, ma réponse est oui. Dans bien des cas, ces deux choses vont ensemble.

 

InfoWorld : L'un des problèmes dans la distinction entre systèmes d'enregistrement et systèmes d'engagement, c'est que les gens agissent comme s'ils n'étaient pas connectés.

 

Keller : Oui. Dans d'autres industries comme la vente au détail, où vous pouvez avoir 20 fois plus d'interactions clients que d'achats effectifs, vous pouvez séparer cet engagement commercial et dépendre beaucoup moins des systèmes d'enregistrement. Mais une fois que les clients achètent, vous avez un point de contact.

 

Étant donné la nature de nos activités, on ne peut pas vraiment imaginer quelqu'un qui achète ou change ses produits ou services sans un degré plus élevé d'interaction avec les systèmes d'enregistrement. Nous ne pouvons pas créer le genre de système d'engagement que nous voulons sans des systèmes modernes en arrière-plan. Si vous voulez permettre à quelqu'un d'utiliser son téléphone mobile pour faire basculer son assurance automobile d'une voiture à une autre, c'est impossible sans atteindre l'arrière-plan. Si l'on parle d'un système d'arrière-plan Cobol des années 1980, le résultat ne sera pas beau à voir.

 

Notre décision a été d'investir dans le numérique, dans les données, dans la technologie de nouvelle génération, afin de pouvoir offrir le genre d'expérience client dont nous avons besoin. Mais nous investissons encore davantage dans le remplacement des systèmes de base, parce que nous ne pensons pas que les autres investissements aboutiront vraiment ou porteront leurs fruits sans ce remplacement.

 

InfoWorld : Parlez-moi des initiatives les plus intéressantes en cours de développement.

 

Keller : Je suis très enthousiaste au sujet de nos programmes de transformation. Nous venons juste de terminer le déménagement de toutes nos déclarations dans Guidewire et la productivité de l'organisation des déclarations augmente de façon spectaculaire. La productivité de l'informatique dans ce secteur grimpe considérablement. Nous avons réduit les délais et les coûts de développement de 60 %, ce qui signifie que nous pouvons faire deux fois et demie plus de travail qu'avant dans le même laps de temps et avec le même budget. Et nous pouvons commencer à créer plus efficacement et rapidement des fonctionnalités numériques destinées au client, et ainsi réaliser des choses que nous n'aurions pas pu faire avant.

 

Nous commençons le déploiement de notre administration de politique personnalisée. C'est là qu'une grande part de nos interactions directes avec les consommateurs se produira. Une fois que nous aurons transformé la politique personnalisée et les déclarations, je pense vraiment que nous économiserons beaucoup d'argent en interne. Nous serons une entreprise beaucoup plus agile, et nous pourrons changer les produits, les prix ou les processus internes de manière plus efficace pour créer une bien meilleure expérience digitale pour le client.

 

Ces transformations fondamentales n'ont rien de « sexy ». C'est un processus très lourd, difficile et coûteux. Mais quand vous voyez ce que cela permet, l'extrême simplification technologique et commerciale et les avantages réels de s'appuyer sur une architecture moderne, je trouve cela très prometteur. Comme le sont les choses passionnantes que vous pouvez construire sur cette architecture.

 

Cet article a été écrit par Eric Knorr d'InfoWorld et a été accordé sous licence légale via le réseau d'éditeurs NewsCred. Veuillez adresser toutes vos questions sur les licences à legal@newscredal.com.